Zimbabwe : Quand la crise financière incite au système D

Publié le 14 July 2022
Zimbabwe : Quand la crise financière incite au système D

Utiliser la bouse de vache comme serviette hygiénique, voilà l’alternative qu’utilisent désormais des milliers de jeunes filles et de femmes au Zimbabwé en ces temps de vaches maigres dus à la crise économique et financière dont est victime le pays depuis plusieurs années.

Par Falone AZINLO 

«J’ai porté une serviette pour la dernière fois avant la mort de ma mère l’année dernière, maintenant, je dois utiliser tout ce que je trouve, bouse de vache, feuilles, journaux et vêtements, pour empêcher le sang de couler. J’aimerais que ma mère soit encore en vie pour m’acheter des serviettes et des médicaments pour mes douleurs menstruelles», tels sont les propos d’une jeune Zimbabwéenne de 19 ans qui préfère garder l’anonymat. Il faut dire qu’une étude de l’Organisation néerlandaise de développement (SNV) au Zimbabwe révèle que 72% des jeunes filles du pays se retrouvent dans cette pénible situation.

En réalité, les serviettes hygiéniques, dont les prix montent parfois jusqu’à 2 dollars américains, sont devenues un luxe auquel la majorité des jeunes filles ne peut plus accéder. Il est devenu nécessaire pour elles de trouver des palliatifs. Une grand-mère explique: “Je prends la bouse, je la moule et je la laisse sécher pour qu’elle absorbe facilement le sang. Les filles ne mettent pas la bouse de vache directement sur la peau. Je la recouvre de plusieurs linges pour éviter les démangeaisons lorsqu’elle est placée sur les sous-vêtements. Ensuite, je leur montre comment fermer leurs parties intimes pour bloquer le saignement”.

Elle conclut : “Les filles ont des flux abondants avec des cycles qui durent généralement six jours. Nous préférons cette méthode car les galettes de vache absorbent beaucoup de sang. Une fois trempé, nous nous en débarrassons en privé en l’enterrant dans le sol. Notre culture Shona ne permet pas aux hommes de voir de telles choses”.

Cependant, nombreux sont les experts de la santé qui déconseillent cette pratique. Pour ces professionnels, ces méthodes traditionnelles sont loin de garantir une hygiène menstruelle correcte. Elles constituent plutôt un terrain propice à la prolifération des salmonelles, des bactéries et des infections à Escherichia coli. L’autre aspect inquiétant du phénomène est que les jeunes filles, par peur de se tâcher et de subir la honte et en raison du manque d’accès aux produits hygiéniques et aux installations sanitaires propres, préfèrent manquer l’école durant leurs périodes de menstruation. 

Pour remédier à cette pratique qui pose un véritable problème de santé publique, le gouvernement Zimbabwéen a fait l’option de supprimer les taxes sur tous les produits sanitaires. Mais, la pauvreté endémique, exacerbée par une inflation qui s’élève à plus de 191,6 %, selon l’Agence nationale des statistiques, fait les corollaires de cette mesure gouvernementale sont encore loin d’être perceptibles.   La plus part des familles doit choisir entre l’achat de produits d’hygiène féminine et l’achat de nourriture, la grande majorité optant pour le second.