Mali – Côte d’Ivoire : Une guerre froide avec la “Françafrique” en toile fond

Publié le 20 July 2022
Mali - Côte d'Ivoire : Une guerre froide avec la "Françafrique" en toile fond

Ces derniers mois, la tension ne cesse de croître entre Bamako et Abidjan. Mieux, depuis le 10 juillet 2022, un nouvel épisode s’est ajouté à ce feuilleton de guerre froide entre le Mali et la Côte d’Ivoire. Il s’agit de l’arrestation et de la détention de 49 militaires ivoiriens par les autorités maliennes.

Par Roland Achille DIDE

Pour peu qu’on veuille bien hausser son niveau d’analyse, il apparaît évident que cette affaire des 49 militaires ivoiriens arrêtés à l’aéroport de Bamako au Mali par la junte au pouvoir est mal ficelée dès le départ. Comment en est-on arrivé à qualifier de “mercenaires”, les soldats d’un pays voisin venus par un vol commercial en tenue officielle et sans armes?

Jusqu’à quand l’État malien continuera-t-il de traiter ce contingent ivoirien de “mercenaires” envoyés pour troubler “l’ordre constitutionnel” du pays? En face, tout en demandant leur libération immédiate, Abidjan continue de clamer  qu’il s’agit de membres des forces armées envoyés pour appuyer des opérations de la Minusma. La Côte d’Ivoire insiste sur le fait que les militaires ivoiriens détenus par Bamako sont des éléments du “support national” (NSE). S’il est évident qu’ils ne font pas partie des casques bleus, ils interviennent en appui à la Minusma. Toujours selon Abidjan, la présence de ses soldats, dans le cadre d’opérations de soutien logistique à la mission des Nations unies au Mali (Minusma), est bel et bien “connue des autorités maliennes”. 

En clair, on a toujours concernant cette affaire, deux versions à l’antipode qui illustrent la césure diplomatique et politique entre les deux pays. En s’arrêtant un tant soi peu sur les informations communiquées par les autorités ivoiriennes, on peut se rendre compte que le mémorandum signé en 2019 avec l’ONU prévoit bien le déploiement d’un contingent militaire au Mali. Ces militaires sont sous contrat avec la Sahel aviation service (SAS), une société privée basée à l’aéroport de Bamako. Abidjan n’a d’ailleurs pas manqué de faire remarquer que cette base accueille aussi des militaires de nationalité étrangère. D’où vient alors le problème?

Au-delà d’une brouille diplomatique

Un feedback dans l’actualité permet de se rendre compte que la Côte d’Ivoire fait partie des caciques de la CEDEAO qui ont œuvré, pratiquement le visage à découvert, pour que le Mali soit mis sous éteignoir des sanctions de l’Organisation sous-régionale. On se rappelle d’ailleurs que le président ivoirien, Alassane Ouattara considéré comme par nombre d’Africains comme le véritable promoteur desdites  sanctions financières, économiques et diplomatiques décidées par la CEDEAO avait déclaré au cours d’une conférence de presse en janvier 2022: «Nous sommes très malheureux d’avoir imposé toutes ces sanctions», ajoutant «il est inacceptable qu’un régime militaire reste en place un quinquennat (…). Nous avons tout fait pour que les autorités militaires du Mali organisent des élections dans des délais convenables, c’est à notre corps défendant que nous avons mis ces sanctions en place». Un discours que n’avaient point digéré ni les militaires au pouvoir à Bamako, ni les Maliens qui dès le départ n’ont eu de cesse d’accuser le chef d’Etat ivoirien d’être un vassal de la France. Une France dont s’est rapidement détourné Assimi Goïta pour se tourner vars la Russie dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Même les partenaires européens de l’ancien colonisateur comme le Danemark et l’Allemagne en avaient eu pour leur grade.

Du reste, s’il est vrai que depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire, les autorités maliennes entretiennent des relations difficiles et complexes avec la communauté internationale, il n’en demeure pas moins vrai aussi que le premier pays dans le collimateur de Bamako est bel et bien la France. La crise entre le Mali et la Côte d’Ivoire doit être analysée sous ce prisme. Même si une bonne partie des sanctions de la CEDEAO contre le Mali, jugées “illégales et inhumaines” a été levée début juillet 2022, le colonel Assimi Goïta ne fera aucun cadeau à tous ceux qui d’une manière ou d’une autre sont des alliés agissant pour les intérêts français.

Aux dernières nouvelles, la tension ne cesse de grimper également entre le Mali et la Minusma à travers le chef de la diplomatie malienne et le Mauritanien El-Ghassim Wane, patron de la Mission des Nations unies au Mali. Le flamboyant et charismatique Abdoulaye Diop n’a pas hésité à dénoncer ce qu’il appelle les « agendas cachés » de la communauté internationale rappelant comme il l’avait déclaré devant le Conseil de sécurité de l’ONU que « la communauté internationale est là pour nous aider et non pas nous créer des problèmes ».