MADAGASCAR: INTERDICTION FORMELLE DE L’AVORTEMENT

Publié le 30 September 2022

Certains pays africains ne conçoivent toujours pas l’interruption volontaire de grossesse, quels qu’en soient les motivations. À Madagascar, ceux qui s’adonnent à cette pratique risquent entre 6 mois et 10 ans d’emprisonnement. Depuis 2017, des associations se sont aussi lancés dans la course, pour éradiquer ce phénomène qualifié de crime.  

Falone AZINLO

L’avortement est devenu un luxe pour les femmes depuis des luxes. Adolescentes, jeunes, dames, toutes s’adonnent à cette pratique pour des raisons variantes selon chaque personnalité.

Une femme avoue : « J’ai dû avorter à quatre mois et demi. Après l’interruption thérapeutique, j’ai pleuré pendant beaucoup de mois. J’étais en dépression. » Une autre femme âgée de 28 explique : « C’était la toute première échographie avec mon mari. Je rêvais d’avoir un petit garçon et le gynécologue nous annonce que c’est un garçon. On était très, très heureux. Mais quelques secondes après, le gynécologue a vu qu’il y avait un problème avec le fœtus. Le diagnostic est tombé : c’était une poly-malformation. Cela voulait dire que le bébé n’aurait pas survécu longtemps après sa naissance. Et aussi, que si on persistait à vouloir le garder, je pouvais mourir. Je n’arrivais pas à me résoudre à avorter. J’ai vu deux autres gynécologues, qui ont tous deux confirmé le diagnostic et les risques pour moi. Alors, j’ai dû m’y résoudre. Aujourd’hui, parce que j’ai eu recours à l’interruption thérapeutique de grossesse, je risque la prison. Dix ans d’emprisonnement. On est dans un système hypocrite ».

Effectivement, Madagascar aurait désormais pris la décision d’incarcérer tous ceux et celles qui y font recours, le personnel de la santé y comprise. Ralibera Jerisoa, infirmier peut toutefois se retrouver en prison puisqu’il a reconnu avoir interrompu plusieurs grossesses surtout si la santé des patientes est menacée. « À Madagascar, dans tous les hôpitaux, l’interruption thérapeutique de grossesse est une pratique quotidienne. On prend le risque d’aller en prison parce que c’est pour sauver des vies. » Du fait de son illégalité, l’avortement clandestin, pratiqué dans des conditions d’hygiène souvent déplorables, est un problème majeur de santé publique dans le pays. Selon l’ONG américaine Marie Stopes International, trois femmes meurent chaque jour sur l’île des suites d’un « avortement spontané ou provoqué ».

L’association Nifin’Akanga a organisée une série d’échanges pour expliquer aux femmes dans quelles conditions l’interruption thérapeutique de grossesse est recommandée. L’objectif est de mieux renseigner ces femmes et ces soignants qui sont parfois obligé de sacrifier le fœtus pour sauver la vie de la maman. Pour Robert Ngoumankeu, interne rattaché à la faculté de médecine de Toamasina et responsable des sept antennes régionales de l’association, l’avortement reste globalement tabou. « Aujourd’hui, Madagascar figure parmi les six pays d’Afrique où l’interruption de grossesse est totalement interdite, peu importe les raisons, à l’instar de la Mauritanie ou le Sénégal. » A-t-il conclure.

Cependant, près de 40 pays dont le Bénin, le Mozambique et même le Madagascar… auraient légalisé l’interruption de grossesse pour des raisons médicales et en cas d’inceste et de viol, et ce, depuis l’adoption du protocole de Maputo en 2003. Pourtant, le Madagascar revient sur sa décision 20 ans après en raison du décès causé par certains cas d’avortement.