Demande de pardon de Blaise Compaoré : Un mea-culpa tardif et pas sincère pour Mariam Sankara

Publié le 28 July 2022
Demande de pardon de Blaise Compaoré : Un mea-culpa tardif et pas sincère pour Mariam Sankara

En accordant en exclusivité une interview au magazine « Jeune Afrrique », elle a sans doute fait l’option de faire connaitre, assez rapidement, son point de vue par rapport à cet événement qui agite et suscite un flot de commentaires à Ouagadougou à savoir la demande de pardon de Blaise Compaoré adressée à la famille de Thomas Sankara et à l’ensemble du peuple burkinabé. Pour qui connaît Mariam Sankara sait qu’elle ne fait pas dans la dentelle quand il s’agit de parler de son pays et ou d’évoquer la mémoire de son Feu mari.

Par Roland Achille DIDE 

Les propos sont cash, sans détour. Non seulement Mariam Sankara fait part de sa « grande surprise », mais elle se demande si l’initiative de cette demande de pardon provient réellement de Blaise Compaoré. « Depuis 1987, il a eu l’occasion de demander pardon à maintes reprises. Mais il est resté impassible. Il aurait pu venir au procès reconnaître sa responsabilité et demander pardon mais il n’a rien fait. Lors de son dernier séjour à Ouagadougou, début juillet, il aurait pu s’adresser aux Burkinabè mais non, il n’a rien fait » déclare la veuve de Sankara qui vit au sud de la France à Montpellier et qui a pris connaissance de la fameuse lettre via la presse. 

En effet, même si elle a été rendue public, le mardi 26 juillet, devant les journalistes par le porte-parole du gouvernement, le message de l’ancien président, condamné en avril dernier par contumace à la prison à vie lors du procès « Sankara », date du 8 juillet 2022, moment où il séjournait à Ouagadougou dans le cadre de la rencontre des anciens chefs d’Etat burkinabé avec le président de la transition, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Mieux, Ally Coulibaly, le conseiller spécial du président ivoirien et Djamila Compaoré, la fille de l’ancien président, venus tous les deux spécialement d’Abidjan, étaient présents aux côtés de Lionel Bilgo. Il n’en fallait donc pas plus pour que Mariam Sankara doute de l’authenticité de cette lettre face à une telle orchestration. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à se demander pourquoi la lettre n’a pas été publiée lors du récent séjour de Blaise Compaoré à Ouagadougou. Nombreux sont les Burkinabè qui non seulement se posent cette question mais se demandent aussi ce qui justifie la présence d’Ally Coulibaly aux côtés de Lionel Bilgo le mardi dernier.

Un non-événement   

A la question de savoir, si elle accepte le pardon de Blaise Compaoré, la veuve de Thomas Sankara insiste sur le fait que le pardon ne se décrète pas. « Quand on a commis un acte et qu’il a été jugé, si on le reconnaît, on se rend à la justice. À ce moment, peut-être que le pardon aurait pu être accepté par les victimes. En reconnaissant ses actes et en acceptant la justice, il aurait vraiment montré qu’il se repent. Mais demander pardon comme ça, alors qu’on ne sait même pas si c’est vraiment lui qui demande… » affirme-t-elle avant d’ajouter : « Si on veut vraiment le pardon et la réconciliation, il y a des formes à respecter. Là, c’est une manière assez inédite ». Autrement, il s’agit carrément pour elle d’un non-événement, à la limite une farce de mauvais goût. 

Celle qui pense que l’ancien homme fort du Faso semble ne plus être lui-même se dit aussi choquée par son récent séjour à Ouagadougou. « Quelqu’un qui est condamné et qui passe comme ça par-dessus la justice, cela est choquant. Il est rentré sans que rien ne se passe, sans que personne ne soit averti. Cela a été une surprise de mauvais goût pour tout le monde. S’il doit revenir au Burkina Faso, il faut que la démarche se fasse auprès de la justice burkinabè » affirme Mariam Sankara. De là à penser à une instrumentalisation du processus de réconciliation et de paix lancé par le président de transition, non seulement l’ancienne Première dame du Burkina-Faso ne se refuse pas à franchir le pas, mais elle estime que le pardon ne saurait justifier l’impunité. S’il est évident pour elle que tous les Burkinabè veulent la réconciliation et la paix dans le pays, il n’en demeure pas moins vrai que les actes des uns et des autres au lieu de claniser davantage la population devraient plutôt aller dans le sens de la justice et de l’union face aux différents périls qui menacent le Burkina-Faso.

Source : Jeune Afrique