Réquisitions par l’armée au Burkina Faso : des inquiétudes sur le sort des journalistes

Publié le 8 November 2023

Plusieurs organisations défendant la cause des journalistes y compris Reporters sans frontières (Rsf) s’inquiètent de la situation des journalistes dans le pays du capitaine Traoré. Les réquisitions de l’armée qui se multiplient dans le pays constituent une manière de réduire les médias au silence, préviennent ces organisations.

« Je suis heureux de vous annoncer que j’ai été réquisitionné pour aller participer à la reconquête du territoire national ». Cette annonce du directeur de publication du journal l’Opinion, pour justifier son absence de la sphère médiatique du pays a fait le tour du monde depuis quelques jours, suscitant tout particulièrement dans le rang des hommes des médias, de vives contestations et des commentaires de tout genre. Dans un communiqué de presse parvenu à notre rédaction, Reporters sans frontières (Rsf) a aussi dénoncé « une nouvelle manière de réduire au silence des reporters critiques du pouvoir ». Selon l’organisation, « deux journalistes burkinabè, réputés pour leurs critiques du pouvoir, sont réquisitionnés durant trois mois, à compter du mardi 7 novembre. Ils devront prendre les armes aux côtés de l’armée dans la lutte contre le terrorisme », a alerté Rsf. 

Le premier, Issaka Lingani est chroniqueur au sein de l’émission d’analyse politique “Presse Échos”, diffusée sur la chaîne de télévision BF1. Il a reçu un ordre de réquisition envoyé par le Commandement des opérations du théâtre national du Burkina Faso (un organe chargé de la lutte contre les djihadistes) dans la matinée du 6 novembre. « C’est une convocation arbitraire, en lien avec mes points de vue critiques vis-à-vis du pouvoir », estime le journaliste de 64 ans, également président de la section locale de l’Union de la presse francophone (Upf). Loin des micros et des plateaux, il est attendu à Kaya, à 100 kilomètres au nord de Ouagadougou, « pour effectuer une formation militaire de deux à trois semaines ». Après quoi, il sera ensuite envoyé dans la Boucle du Mouhoun, une région de l’ouest du pays durement frappée par la résurgence de groupes terroristes. Un autre journaliste Yacouba Ladji Bama, journaliste d’investigation et fondateur du média en ligne Bam Yinga, a reçu une convocation similaire, selon les informations recueillies par Rsf.

« L’enrôlement forcé de deux journalistes critiques du pouvoir en place pour combattre dans l’armée constitue une nouvelle atteinte à la liberté de la presse au Burkina Faso. Réquisitionner des journalistes, dont un de 64 ans, n’ayant jusqu’à présent suivi aucune formation militaire est un moyen odieux de les réduire au silence, tout en mettant leur vie en danger », dénonce Reporters sans frontières qui condamne ces réquisitions et appelle les autorités burkinabè à annuler ces ordres iniques.

Jonadeleine TADAGBE